Être juif dans le cinéma Hollywoodien classique Lorenzo Leschi

Non luxembourgeois

Leschi décortique l’attitude complexe des dirigeants d’Hollywood par rapport à leur identité juive au sein de l’industrie cinématographique américaine entre 1910 et 1960. Dans une Amérique, où le mot d’ordre est l’assimilation des immigrants, il faut surtout s’intégrer dans le nouveau monde. Contrairement au théâtre, où les artistes juifs doivent faire face à l’antisémitisme de la bourgeoisie américaine qui a peur de l’influence juive, le cinéma n’a pas encore sa place de 7e art à l’intérieur de la haute société américaine. En 1932, l’ère Roosevelt et la menace de la guerre en Europe voit naître les premières théories fantaisistes du « complot juif international ». Les producteurs hollywoodiens doivent faire face à l’antisémitisme et aux essais de l’État de réglementer leur industrie. Un code de production est mis en place, qui est en fait une censure catholique qui s’immisce dans toutes les étapes de la création d’un film. La personne à la tête de la Production Code Administration était antisémite et ne se fit pas prier de collaborer avec l’envoyé officiel d’Hitler (Georg Gyssling, consul à Los Angeles) auprès de l’industrie cinématographique à Hollywood. Goebbels ne voulait pas d’image négative de l’Allemagne dans un cinéma qui avait un impact mondial. Les producteurs font profil bas jusqu’en 1936, où un producteur indépendant Alfred T. Mannon réussit à faire sortir son film « I was a captive of Nazi Germany » évoquant la Shoah. Cependant le film n’eut pas de grande distribution en l’absence du soutien des grands studios. Il faudra attendre le film d’Anatole Litvrak « Confession of a Nazi spy » produit en 1939 par la Warner pour que l’industrie cinématographique sorte timidement de son isolationnisme. La seconde guerre mondiale va finir par mettre fin au non-dit de l’antisémitisme dans le cinéma hollywoodien. Cependant la chasse aux sorcières du House of Un-American Activities Committee (HUAC) contre les prétendus communistes subversifs va briser cet élan en divulguant une liste de noms dont la majorité sont juifs. Les personnes sur ces listes noires, qui vont s’agrandir durant les années 50, ne pourront plus travailler, sauf sous des « prête-noms ». L’achèvement du Maccarthysme avec le déclin de la peur du communisme met fin aux listes noires. Il y a aussi un changement de génération à Hollywood qui clôt cet ère de la honte et du refoulement de l’identité juive dans le cinéma. Ce qui m’a ému dans ce livre c’est les conflits d’intérêt entre bonne conscience et mercantilisme au sein de cette industrie, mais aussi l’interférence entre le désir de reconnaissance en tant que communauté juive qui a réussi et la nécessité de discrétion face aux aléas de l’histoire.

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