La littérature à la barre L’alliance surprenante entre littérature et droit
La discipline « droit et littérature », a été initiée par des enseignants et experts en droit américain au début du 20e siècle. À la suite des travaux fondateurs du juge Benjamin Nathan Cardozo dans les années 1920, c’est l’ouvrage de James Boyd White The Legal Imagination en 1973 qui marque les débuts du mouvement qui a ses racines dans deux évolutions de l’histoire intellectuelle du droit. Tout d’abord, la volonté d’intégrer le droit dans un contexte culturel, philosophique ou socio-scientifique plus large, ensuite, le constat que tout texte, qu’il soit littéraire ou juridique, a besoin d’être interprété.
Le mouvement se développe en Allemagne dans les années 1980 avec les œuvres de Bodo Pieroth ou Heinz Müller-Dietz. Dès les années 1990, les chercheurs en France se sont penchés sur ce sujet en traduisant des ouvrages de référence en la matière tels que « Law and Literature » de Richard Posner. Philippe Malaurie et plus tard François Ost publient ensuite des ouvrages francophones dans ce domaine.
Trois concepts prédominent : le « droit dans la littérature » (« Law in literature »), « le droit en tant que littérature » (« Law as Literature ») et le « droit de la littérature » (« Law of literature »).
Law in Literature – Droit dans la littérature
Dans ce domaine, l’accent est mis sur les motifs juridiques ainsi qu’aux cas juridiques concrets mentionnés dans les œuvres littéraires. La littérature met alors en scène les lieux de la justice, ses mécanismes et son fonctionnement.
Les auteurs renommés comme Johann Wolfgang von Goethe, Franz Kafka, William Shakespeare, Charles Dickens, Jean de La Fontaine ou Albert Camus abordent des thèmes tels que la justice, le crime et la culpabilité.
Selon les juristes Richard Weisberg et John Henry Wigmore les œuvres littéraires permettent aux juristes d’acquérir une compréhension approfondie de la nature humaine et de la réalité sociale. C’est une conception sociologique du droit pour s’éloigner de la technicité juridique. A List of Legal Novels écrit par Wigmore en 1908, a contribué à créer l’incarnation contemporaine de ce mouvement. Il critique une profession juridique qui a tendance à avoir un point de vue limitée de la réalité humaine. Selon lui, les juristes devaient privilégier les besoins humains individuels afin de les protéger des abus des grandes institutions étatiques. Par conséquence, sa liste de récits fictifs met l’accent sur les valeurs démocratiques véhiculées par la littérature.
Law as literature – Droit comme littérature
Bien que le droit et la littérature apparaissent comme deux mondes opposés – l’un paraît froid, sobre et monosème, l’autre créatif et polysème – ils partagent tous les deux l'utilisation de la langue pour conceptualiser la réalité sociale. L’approche « Law as Literature » s’appuie sur ce parallélisme pour interpréter le texte juridique comme de la littérature. Les spécialistes de cette discipline, comme James Boyd White ou Thomas Brook, étudient les textes juridiques sous un angle littéraire en appliquant les modèles de la théorie littéraire aux écrits juridiques afin d’approfondir ou d’enrichir l’analyse de ces-derniers.
Law of literature – Droit de la littérature ou droit littéraire
L’approche du droit littéraire est transversale et examine comment la loi et la jurisprudence abordent les phénomènes d’écriture littéraire. Ce concept englobe des problématiques liées au droit privé telles que le droit d’auteur ou le copyright, des problématiques liées au droit pénal telles que la diffamation ou l’outrage aux bonnes mœurs, ainsi que des questions liées au droit public telles que la liberté d’expression et la censure. Un exemple connu est le procès intenté aux Fleurs du mal et à Mme Bovary pour atteinte à la morale publique.
Devant les difficultés auxquelles la société est confrontée au quotidien, il semble indispensable et inévitable de rapprocher ces deux sciences de l'humain afin de comprendre les maux sociaux et de les guérir.
Literatur vor dem Richter : Beiträge zur Literaturfreiheit und Zensur (Birgit Dankert, Lothar Zechlin)
Warum, wie und wann Literatur vor Gerichte der Bundesrepublik Deutschland gestellt wird, um verboten oder freigesprochen zu werden, berührt nicht nur Autoren, Verlage und Leser. Vielmehr spiegeln sich in diesen Prozessen Wertmaßstäbe, Jugendschutzkriterien sowie Kunst- und Meinungsfreiheit einer Gesellschaft. Der vorliegende Band, der Beiträge aus der Tagung „Literatur vor dem Richter“ an der Hochschule für Wirtschaft und Politik in Hamburg, versammelt, fokussiert sich auf drei Themenschwerpunkte.
- Kinder- und Jugendschutz: Heranwachsende sollen durch gesetzliche Bestimmungen vor negativen Einflüssen in Printmedien geschützt werden. Ob einzelne Entscheidungen jedoch nicht eher verschleierte Eingriffe in die Kunst- und Meinungsfreiheit darstellen, wird kontrovers diskutiert
- Auch der Satire, als offensichtlich besonders wirksames Mittel der Kritik an gesellschaftlichen Missständen, galt und gilt die Aufmerksamkeit politisch motivierter Zensur. Auch hier wird die Gretchenfrage „Was darf Kunst“ in einzelnen richterlichen Beschlüssen mehr oder weniger liberal ausgelegt.
- Doch nicht nur Richter zensieren Literatur. Auch der Buchmarkt selbst bestimmt durch wirtschaftlich orientierte Gesetze, was wer veröffentlichen und lesen darf. In welchem Verhältnis stehen die rein ökonomisch ausgelegten Copyright-Gesetze zu literarisch-künstlerischen Ansprüchen?
Diese und weitere Fragen rund um das Thema „Literarische Zensur“ werden in kurzen Beiträgen ausgeleuchtet und von Experten aus unterschiedlichsten Disziplinen kontrovers diskutiert.
Recht und Kriminalität in literarischen Spiegelungen (Heinz Müller-Dietz)
In 14 Beiträgen behandelt der Jurist Heinz Müller-Dietz die vielschichtigen Beziehungen zwischen Literatur und Recht. Da hier kein Literatur- sondern ein Rechtswissenschaftler schreibt, ergeben sich neue und ungewohnte Perspektiven auf Klassiker der deutschsprachigen Literatur, wie Goethe, Dürrenmatt und Heinrich Heine. Aber auch generellere Fragestellungen, wie das Gerechtigkeitsmotiv oder das Bild des Strafrichters in der modernen Literatur werden thematisiert. Der Band überzeugt durch seine thematische Bandbreite und eignet sich als kurzweilige Einführung in das Thema „Literatur und Recht“ aus einer deutschsprachigen Perspektive.
States of emergency: colonialism, literature and law (Stephen Morton)
How can literature from the postcolonial world help us to disentangle the complex relationship between law, violence and colonial sovereignty? This question is at the heart of Stephen Morton’s interdisciplinary study which covers new ground in the field of postcolonial studies by looking at the function of literature as a record of democracy. The book covers several geographical areas where England and France had exercised their colonial sovereignty, i.e., Ireland, India, South Africa, Kenya, Algeria and Israel-Palestine and studies how anti-colonial struggles and the legal and political methods to counter them have been imagined in literature and law. J.M. Coetzee’s Waiting for the Barbarians (1980) Edmund Candler’s Siri Ram Revolutionist (1914), and Kamila Shamsie’s Burnt Shadows (2009) are just a few of the many literary sources Morton analyzes in his wide-ranging exploration of the relation between colonialism, law and literature.
Censors at work: how states shaped literature (Robert Darnton)
In his ambitious study Robert Danton tries to reconstruct how states attempted to control communication by censoring books. The power of print was as threatening as cyberwarfare is today. How did censors choose the books to ban and what measures were put in place to ensure texts were no longer in circulation? By focusing on three distinct time periods – Old Regime France, India under the British Raj in 19th century India and Communist East Germany – Danton offers a new take on the history of censorship by focusing on a comparative and ethnographic approach.
Crime fiction and the law (ed. by Maria Aristodemou, Fiona Macmillan and Patricia Tuitt)
This collection of essays grew out of a symposium organized by the Birkbeck School of Law in 2012. Even though the articles tackle a wide variety of subjects, they all explore the complex ties between law and violence by analyzing the ways in which their relationship is framed in literature, television, and film. The works of Franz Kafka, TV Crime drama Wallander and Christopher Nolans Dark Knight trilogy are among the various sources that are used to explore questions surrounding the social impact of fictional representations of crime and violence, gender issues, postcolonial perspectives on crime fiction and the influence of law itself on crime fiction’s development.
Il était une fois... : analyse juridique des contes de fées (sous la dir. de Marine Ranouil et Nicolas Dissaux)
Les règles de la bienséance, de la morale et de la rationalité sont généralement négligées dans le monde merveilleux des contes de fées, alors comment les contes de fées pourraient-ils donc être pertinents pour les juristes ?
L’essentiel du droit et le merveilleux des contes se rencontrent dans les divers articles de ce recueil, le rêve et la réalité se mêlent. Dans cette collaboration entre Marine Ranouil et Nicolas Dissaux, chaque auteur présente sa réflexion sur une œuvre spécifique, en se basant sur son point de vue personnel, sa compétence et son expérience professionnelle. L’ouvrage se compose de deux parties. La première, intitulée « À chacun son droit », examine les contes en fonction d’une certaine spécialité, telle que l’intérêt de l’enfant, le droit de la famille ou encore le contrat. Toutefois, la deuxième partie intitulée « À chacun son récit » pose des questions sur le droit à travers une analyse de cas tels que La belle au bois dormant ou encore La petite sirène.
Deux index distincts qui recensent les thèmes juridiques et les contes de fées abordés constituent une aide au lecteur. Les 228 entrées de l’index juridique abordent des sujets tels que le consentement, l’inceste, la responsabilité et l’abus de confiance, pour ne mentionner que quelques-uns. L’index des contes regroupe 187 titres de grands classiques tels que Blanche neige, Le chat botté et Cendrillon, ainsi que des contes littéraires tels que ceux de Galland ou Carrol.
Raconter la loi : aux sources de l’imaginaire juridique (François Ost)
François Ost, qui a accompli une carrière universitaire de juriste le conduisant à une activité de professeur de droit et de philosophie de droit, est l’auteur de cet ouvrage. Sa spécialisation de recherche se concentre sur la relation entre le droit et la littérature.
Cette œuvre constitue une des rares publications en français sur le lien entre le droit et la littérature et la question suivante y est abordée : Quels enseignements les mythes et les grands archétypes de la littérature universelle nous transmettent sur l’origine et le destin du droit ? L’auteur propose trois perspectives sur cette relation : le droit de la littérature, le droit comme littérature et le droit dans la littérature. C’est à la notion de droit dans la littérature qu’il a consacré son essai. Il s’agit de la façon dont la fiction littéraire aborde les problématiques légales. Les exemples analysés incluent Antigone de Sophocle, Robinson Crusoé de Daniel Defoe et Le Procès de Kafka.
Les contributions présentées dans ce livre montrent que ces trois perspectives offertes par l’auteur ne suffisent pas d’avoir une vision globale des relations souvent complexes entre le monde juridique et la fiction littéraire.
Le droit et les Fables de Jean de La Fontaine (sous la dir. d’Océane Bonnard [et al])
Le fabuliste engagé du XVIIème siècle, Jean de La Fontaine, était non seulement un poète, mais également un juriste de formation. Depuis le plus jeune âge, ses œuvres sont enseignées et ont laissé une empreinte indélébile sur notre culture globale.
Le lecteur assiste à une rencontre singulière entre les contes de La Fontaine et le droit. Les auteurs de cette publication, doctorants et docteurs en droit, s’interrogent si cet héritage a eu un impact sur leurs domaines de spécialité en étudiant si les morales et l’esprit de ces œuvres littéraires sont encore d’actualité. Dans la première partie de l’ouvrage, les écrivains ont tenté d’éclairer les fables en utilisant le droit comme moyen d’illustrer leurs œuvres. Dans la seconde partie en revanche ils ont employé des fables afin de mettre en évidence des réalités juridiques dans le domaine du droit. On applique les morales de La Fontaine à des problématiques de droit européen et international.
On peut qualifier La Fontaine de philosophe moral, car il apporte dans ses œuvres sa propre réflexion sur la sagesse. Il a découvert une approche innovante pour étudier le monde et nos comportements. L’objectif de ses récits est de raconter une histoire pour transmettre un tout autre message.
Accusés Baudelaire, Flaubert, levez-vous!: Napoléon III censure les Lettres (Emmanuel Pierrat)
L’auteur Emmanuel Pierrat est avocat à Paris avec comme spécialisation le droit d’auteur et la liberté d’expression. Ce livre, à la fois judiciaire et littéraire, thématise les procès de 1857 qui vont profondément marquer le monde des lettres.
En 1857, le procureur Ernest Pinard occupe le poste de substitut du procureur au Parlement de la Seine et il se fait connaître en poursuivant trois écrivains célèbres : Charles Baudelaire, Gustave Flaubert et Eugène Sue. Il accuse Les Fleurs du mal, Madame Bovary et Les Mystères du Peuple d’avoir enfreint la morale publique et religieuse ainsi que les bonnes mœurs. Ce poète et les deux romanciers sont entendus par le régime de Napoléon III lors des procès.
Emmanuel Pierrot replonge le lecteur dans cette année 1857, année importante pour la censure, en intégrant des documents d’archives, des articles de presse ou encore des plaidoiries. Les réquisitoires, plaidoiries et comptes-rendus de jugements constituent près de la moitié de l’ouvrage. L’emploi de ces différentes perspectives font de ce livre une sorte de reportage vivant.
Law and literature: possibilities and perspectives (Ian Ward)
Ian Ward is a professor of law whose research focuses on the intersection of law, literature and history. In this book, he aims to demonstrate that the interdisciplinary study of law and literature is constantly evolving, and that this theory can shed light on literary texts. He wanted to write a book about literature and text, not about theory. His aim is to convince the reader that reading literature can contribute to a better understanding of the law.
In the first part of the book, he begins by analyzing several leading themes in contemporary literary theory. He also identifies the concepts of ‘law in literature’ and ‘literature of law’ in several key areas of literature. In the second part, he discusses literature such as Shakespeare’s works, children’s literature, feminist literature and modern novels. Finally, in the last part, two works of contemporary literature are studied: The Judge on Trial by Ivan Klima and The Name of the Rose by Umberto Eco.
The author sees the introduction of literature into the law classroom as a positive measure and the main purpose of his work is to demonstrate that law does not have to be as complex and inaccessible as it often seems.
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