Hommage à Anouk Aimée 27 avril 1932 - 18 juin 2024
Née Françoise Dreyfus, celle qui avait déjà changé de nom pendant la guerre pour éviter l’étoile jaune, adopte le prénom « Anouk » du personnage de son premier film (La Maison sous la mer, 1946). Jacques Prévert, scénariste de son prochain film La fleur de l’âge, lui octroie le nom Aimée. Et une star est née.
En France elle est souvent associée au film Un Homme et une femme de Claude Lelouch, pour lequel elle a reçu le Golden Globe pour son interprétation de l’amoureuse. Ce film auréolé de la Palme d’or reste dans les esprits grâce à la musique de Francis Lai. À cause de la présence sulfureuse d’Anita Ekberg dans La Dolce Vita de Fellini, on oublie souvent qu’Anouk Aimée y incarne une héritière désabusée, qui fait une virée nocturne dans Rome avec Mastroianni. Elle a également joué dans un autre film de Fellini Otto e mezzo (8½), dans lequel elle campe la femme délaissée du réalisateur, joué par Mastroianni. Dans le film italien Salto nel vuoto (Un saut dans le vide) de Bellocchio, elle joue la sœur dépressive de Piccoli, qui la manipule à sa guise. Le film est récompensé par le double prix d’interprétation pour Anouk Aimée et Michel Piccoli à Cannes.
Lelouche va tourner deux suites de son film à succès, Un homme et une femme, 20 ans déjà (1986) et Les plus belles années d’une vie (2019), qui sera le dernier film dans lequel Anouk Aimée jouera. En 1991, Anouk Aimée était venue au Luxembourg au Théâtre d’Esch incarner Melissa dans la pièce Love Letters de A. R. Gurney, au côté de Bruno Cremer. J’ai eu la chance de pouvoir apprécier sa présence envoûtante sur scène. Elle sera amenée à jouer cette pièce des centaines de fois au théâtre en France avec dans le rôle masculin des stars telles que Jean-Louis Trintignant, Philippe Noiret, Jacques Weber, Alain Delon et Gérard Depardieu en 2014.
Un homme et une femme (Claude Lelouch)
Une histoire romantique avec en toile de fond les plages étendues de Deauville, station balnéaire huppée de Normandie fréquentée par le beau monde. Lelouch a grandi en Normandie et y apprécie la puissance de la lumière et le ciel changeant, ce qui en faisait un lieu de tournage idéal. Anouk Aimée avait failli passer à côté du film, car elle s’était montrée capricieuse lors des discussions préliminaires et Lelouch pensait que cela serait trop compliqué de tourner avec elle. Finalement elle acceptera de faire un essai et la magie opèrera dès la première scène. Le tournage se fera en trois semaines et se passera très bien. Lelouch avait enregistré la musique du film en amont, comme pour tous ses films. Le « Chabada-bada » de la chanson écrite par Francis Lai deviendra mondialement célèbre. Le succès du film a fait de Deauville un lieu romantique, selon Lelouch, on « embarque une nana à Paris – sans Mustang, même en 2CV – dans l’espoir de l’emballer à Deauville… ».
Un homme et une femme : vingt ans déjà (Claude Lelouch)
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce film n’est pas le prolongement de Un homme et une femme ou un simple remake, mais il offre une autre perspective et une nouvelle réflexion sur le cinéma. Il est aussi étrangement le reflet de la vie personnelle de Claude Lelouch, qui était en train de quitter Évelyne Bouix pour la jeune Marie-Sophie Pochat, qui jouent toutes les deux dans le film. Lelouch estime que les sentiments deviennent plus compliqués avec l’expérience, ce qui rend la trame du film plus complexe. Anouk Aimée est une productrice de cinéma qui relance Trintignant pour tourner un film sur leur histoire. Trintignant est toujours dans le milieu de la course automobile et on sent que Lelouch prend plaisir à filmer le circuit Ferrari, qui revient à deux reprises dans le film. Lelouch pensait qu’il tenait un film facile, surfant sur la vague d’un précédent succès et bénéficiant du financement par le studio américain Warner. Rétrospectivement Lelouch admettra regretter de ne pas l’avoir tourné plus tôt, dix ans après le premier. Les acteurs sont cependant toujours aussi séduisants, malgré leur âge.
La Dolce Vita (Federico Fellini)
Film culte, qui a contribué à rendre Rome et la fontaine de Trevi inséparables du chef d’œuvre de Fellini. L’église catholique jugea le film « pornographique » et il y eut de nombreuses revues de presse controversées, ce qui attisa le succès du film. La Dolce Vita fit de Marcello Mastroianni et d’Anita Ekberg, ancienne Miss Suède, des stars internationales. Mastroianni joue un journaliste désabusé et cavaleur, qui écume les bars à la recherche de scoops. Anouk Aimée joue Maddalena, une riche mondaine, qui suit Mastroianni dans la débauche pour tuer son ennui. Elle joua son rôle tout en finesse avec la parfaite souveraineté qu’exigeait le personnage. Elle évoquera sa complicité avec Fellini : « je suis entrée dans le film comme si j'avais toujours fait partie de son monde ».
8½ (Federico Fellini)
Fellini se trouvait dans une phase critique de sa vie au début du tournage de ce film, tétanisé par le succès de La Dolce Vita. Il voulait même y renoncer par manque d’inspiration quand l’idée lui vint de raconter le dilemme d’un réalisateur qui « ne savait plus quel film il voulait faire ». Son alter ego est Mastroianni, qui joue le rôle du créateur angoissé avec brio. Anouk Aimée interprète la femme du cinéaste, qui n’est autre que Giulietta Masina dans la vrai vie. Masina et Fellini traversaient une passe difficile à l’époque. Elle réussit à apporter les nuances nécessaires au rôle pour ne pas tomber dans la caricature de l’épouse acariâtre. Fellini dira d’Anouk Aimée: « Elle appartient au grand masque du cinéma avec ce visage qui a la même sensualité intrigante que celle de Garbo, Dietrich et Crawford, ces grandes reines mystérieuses ».
Salto nel vuoto (Marco Bellocchio)
Il s’agit d’un huis clos filmé de manière à faire ressortir toute la tension entre les personnages. La maison est plongée dans une « éternelle pénombre », éclairage qu’affectionne le réalisateur, car il permet de composer des espaces à la frontière entre le rêve et la réalité. Cela lui permet de questionner les zones obscures de l’esprit, la folie étant un des thèmes récurrents de ses films. C’est seulement à partir des années 80 que Bellocchio se penche sur celui des rapports homme-femme. Michel Piccoli joue le frère surprotecteur d’Anouk Aimée, qui se libère de son emprise grace à un troisième personnage catalyseur. Le film repose sur la présence d’Anouk Aimée, qui irradie le film de son aura mystérieuse.
Image vedette : © Metropolitan FilmExport
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